Il y a 1 heure Par AFP
Le 3 décembre 1983, 100.000 personnes accueillaient à Paris la "Marche pour l'égalité et contre le racisme". Rebaptisée "Marche des Beurs", elle a marqué l'entrée sur la scène politique des enfants d'immigrés qui, 30 ans plus tard, dressent un bilan mitigé de leur "Mai 68".
Au début des années 80, "c'était dur d'être basané", se rappelle Toumi Djaïdja, qui
présidait une association de jeunes dans le quartier sensible des Minguettes,
près de Lyon. En 1983, dit-il, "la tension était arrivée à un paroxysme" après une série d'agressions racistes et d'affrontements avec les forces de l'ordre.
Le 20 juin, un policier ouvre le feu sur lui. Le quartier risque d'exploser mais "pour désactiver ce cercle de violences", le jeune homme et d'autres militants envisagent une grande marche pacifiste, de Marseille à Paris.
Sur fond de percée du Front national, fort de 10% des suffrages aux municipales de mars, ils font "une déclaration d'amour à la France", qui découvre, éberluée, la diversité de sa jeunesse.
"C'est un peu le Mai 68 des enfants d'immigrés", décrit le sociologue Abdellali Hajjat, qui vient de publier un livre sur le sujet. "C'est la première fois qu'ils ont une audience nationale, qu'une mobilisation les unit avec un discours positif."
Le groupe était pourtant très divers, réunissant jeunes, vieux, hommes, femmes, Gaulois et immigrés, souligne Toumi Djaïdja. Un mélange "de lascars et de
prêtres", ironise une autre marcheuse, Marilaure Mahé.
Encadrés par le père Christian Delorme et le pasteur Jean Costil, défenseurs des immigrés au sein de la Cimade, ils quittent Marseille le 15 octobre dans une relative indifférence.
Un mois plus tard, la mort d'un touriste algérien tabassé et jeté d'un train par des légionnaires donne une nouvelle ampleur à la Marche et le cortège grossit progressivement.
D'abord intriguée et méfiante, la gauche au pouvoir prend la mesure de l'événement et dépêche des émissaires à chaque étape.
"Sur les écrans, la tête de Toumi, Djamel, Malika..."
Sept semaines et 1.000 km après leur départ, les marcheurs sont accueillis par des foules à Paris. Une délégation est reçue à l'Elysée par François Mitterrand.